Courrier international – 12 sept. 2008
Deux ans après le discours de Ratisbonne, dans lequel le pape Benoît XVI associait islam et violence, les relations entre les principales religions du monde se sont détendues, grâce à plusieurs initiatives venues de tous côtés. C’était il y a deux ans. Le 12 septembre 2006, le pape Benoît XVI, en voyage en Allemagne, livrait un discours sur la raison et la foi à l’université de Ratisbonne. Un passage de cette lecture associant islam et violence allait soulever des polémiques et de fortes tensions avec le monde musulman. Cependant, à la suite de ce discours, le dialogue a fait son chemin. L’initiative de ce dialogue interreligieux revient aux musulmans. Le 13 octobre 2006, 38 universitaires et religieux provenant de toutes les écoles de pensée adressaient une lettre ouverte à Benoît XVI. Le 13 octobre 2007, à l’initiative du prince Ghazi de Jordanie, une nouvelle lettre ouverte était publiée, adressée à tous les représentants du monde chrétien.
Ayant pour titre A Common Word between Us and You (Une parole commune entre vous et nous), elle était signée par 138 personnalités du monde islamique, chiites et sunnites compris, de tous les continents. Parmi ces personnalités, les grands muftis d’Istanbul, de Syrie, d’Egypte, de Jordanie, le président de l’université Al-Azhar en Egypte, le secrétaire général de l’Organisation de la conférence islamique, le fondateur et directeur de l’institut Taba aux Emirats arabes unis, le recteur du département des études islamiques de l’Académie des sciences d’Iran (un ayatollah), de nombreux universitaires, des imams…
Les 138 signataires affirmaient qu’ensemble chrétiens et musulmans “constituent plus de 55 % de la population mondiale, ce qui fait de la relation entre ces deux communautés religieuses le plus important facteur contribuant à une paix significative dans le monde. Si les musulmans et les chrétiens ne vivent pas en paix entre eux, le monde ne peut être en paix.”
Ce document a reçu un écho extrêmement positif dans les milieux chrétiens. Tous les leaders des principales dénominations chrétiennes y ont répondu. Parmi eux, Benoît XVI, l’archevêque de Canterbury Rowan Williams et le patriarche de Moscou Alexis II. Les principales Eglises réformées et évangéliques du monde ont aussi réagi positivement. Le Conseil œcuménique des Eglises, également. Le 5 mars 2008, décision était prise de créer un forum catholico-musulman permanent, qui se réunira une fois tous les deux ans.
Autre réponse spectaculaire : celle d’un important groupe d’intellectuels chrétiens de l’université Yale aux Etats-Unis. Le 18 novembre 2007 paraît dans The New York Times un texte intitulé Loving God and Neighbor Together: a Christian Response to A Common Word Between Us and You [Aimer Dieu et son voisin : une réponse chrétienne à une parole commune entre vous et nous], appelé aussi “la réponse de Yale“. Il est signé par 130 personnalités et occupe une pleine page dans le célèbre quotidien. Qualifiant “Une parole commune” de “lettre ouverte historique”, les signataires s’empressent d’accepter le dialogue proposé. Citant les croisades et les excès de la guerre contre le terrorisme, ils reconnaissent également que de nombreux chrétiens ont “péché contre leurs voisins musulmans” dans le passé et le présent. Depuis, “la réponse de Yale” a été cautionnée par 500 leaders chrétiens, principalement issus du monde protestant anglo-saxon.
Fin juillet 2008, des intellectuels et religieux musulmans et chrétiens étaient réunis à l’université Yale. A la fin de cette assemblée, les participants ont publié une déclaration dans laquelle ils reconnaissent que “tous les êtres humains ont le droit de préserver leur vie, leur religion, leur propriété, leur vie intellectuelle et leur dignité. Aucun musulman – ni aucun chrétien – ne devrait refuser ces droits aux autres, ni tolérer le dénigrement ou la profanation des symboles sacrés, des figures fondatrices ou des lieux de culte des autres.” Et, début novembre, aura lieu au Vatican le premier forum islamo-catholique organisé autour d’”Une parole commune”. Quarante-huit personnes y participeront, soit 24 représentants de chacune des deux communautés. Benoît XVI en personne accueillera les participants.
Patricia Briel Le Temps
SOURCE © Courrier international 2008 | ISSN de la publication électronique : 1768-3076