Inédite dans l’histoire des relations interreligieuses, une instance permanente de dialogue entre le Vatican et des dignitaires musulmans représentant plus de 40 pays va se mettre en place dans les prochains mois. La première rencontre de ce Forum catholiques-musulmans se tiendra à Rome du 4 au 6 novembre, ont annoncé les délégations catholique et musulmane réunies au Vatican les 4 et 5 mars. Elle rassemblera 24 représentants de chaque religion, dont, côté musulman, 12 religieux et 12 intellectuels. Les trois journées d’échanges s’achèveront par une rencontre avec le pape Benoît XVI.
Cette décision est l’aboutissement d’une initiative lancée en octobre 2007 par le prince jordanien Ghazi bin Muhammad bin Talal : dans une lettre signée par 138 dignitaires musulmans (aujourd’hui au nombre de 222), venus des différents courants de l’islam, le prince invitait les responsables de toutes les Eglises chrétiennes à s’engager dans un dialogue avec l’islam, estimant que “la survie du monde est peut-être en jeu”. Cette lettre faisait suite au discours controversé que Benoît XVI avait tenu, en septembre 2006, à Ratisbonne (Allemagne) sur les liens supposés entre l’islam et la violence, puis à sa rencontre avec l’intellectuel algérien Mustapha Cherif.
La création d’une instance permanente, susceptible de se réunir en cas de crise, telle que celle liée à la publication des caricatures de Mahomet en 2006, va au-delà des pistes envisagées au départ par les deux parties. Le cardinal Jean-Louis Tauran, président du conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, avait certes qualifié la démarche des dignitaires musulmans d’“historique” et le pape avait salué “l’esprit positif” de la lettre, mais des responsables catholiques avaient souligné la difficulté d’instaurer un dialogue théologique avec l’islam. “Le Dieu des chrétiens est incarné, celui de l’islam ne l’est pas, notre rapport au texte est différent, le dialogue théologique est impossible”, déclarait récemment au Monde l’un d’entre eux. Les catholiques entendaient privilégier des échanges sur la foi, les valeurs morales et insister sur le combat pour la liberté religieuse dans les pays musulmans. La journée du 4 novembre devrait être consacrée à des échanges sur les fondements spirituels et théologiques des deux religions.
Stéphanie Le Bars
Article paru dans l’édition du 07.03.08